Gardening with Native Manitoba Plants: For Conservation & Backyard Wildlife (1999)
(Le jardinage avec des plantes indigènes du Manitoba : Pour la conservation et la faune sauvage de l'arrière-cour)
Par John P. Morgan
John Morgan est le propriétaire de Prairie Habitats, le plus grand producteur et fournisseur manitobain de plantes et de semences indigènes des prairies manitobaines. En collaboration avec Argyle Machine Inc., il fabrique et vend du matériel spécialisé pour la récolte des semences indigènes partout en Amérique du Nord et même aussi loin qu’en Australie. John est un champion inlassable des plantes indigènes au Manitoba.
La nouvelle vogue au chapitre de l’aménagement paysager consiste à planter des espèces indigènes pour attirer la faune sauvage. Dans le but de renseigner les Manitobains et les Manitobaines sur cette question et sur les motifs de ce mouvement, l’article suivant présente quelque matière à réflexion.
Qu’est-ce qu’une plante indigène? Les espèces indigènes sont celles qui poussaient naturellement dans une région au moment de la colonisation et qui n’ont pas été transplantées d’une autre région du pays ou d’un autre continent. Certaines plantes sont tellement répandues au Manitoba qu’un grand nombre de personnes les prennent à tort pour des plantes indigènes : le brome inerme, l’agropyre à crête, le pâturin des prés, le chiendent, le chardon des champs, le pissenlit et la folle avoine ont tous été importés de l’Eurasie et n’ont pas d’habitat naturel ici.
Les Européens ont apporté le pissenlit en Amérique du Nord. Toutes les pires mauvaises herbes qui salissent nos pelouses, nos jardins et nos exploitations agricoles ne sont pas indigènes. En Amérique du Nord, ces plantes ne sont pas exposées aux insectes nuisibles et aux maladies qui les tenaient en échec dans leur habitat d’origine et elles prolifèrent. (La rédaction)
Un vrai jardin indigène des prairies nécessite la mise en terre d’un mélange de diverses espèces indigène à la zone en question, la semence ayant été recueillie aussi près que possible du terrain à ensemencer. Les herbes sont un élément important du mélange, ainsi qu’une variété de légumineuses indigènes et d’autres fleurs des champs à feuilles larges. Les réserves en graines locales sont extrêmement importantes au maintien de ce qui reste de la diversité biologique des espèces indigènes des prairies.
La prairie naturelle est un mélange d’herbes et de fleurs des champs.
Qu’en est-il des nombreux mélanges de soi-disant « fleurs des champs » que vendent les magasins et les firmes semencières. Ils sont souvent accompagnés de réclames aux couleurs vives qui promettent un pré « instantané » facile d’entretien et qui attirera les papillons. Ces semences proviennent presque toutes de grands floriculteurs commerciaux des États-Unis et de l’Europe. Elles peuvent bien être des fleurs des champs quelque part, mais elles ne sont pas indigènes au Manitoba.
Le pavot de Californie, le bouton célibataire et le lotier corniculé ne sont pas à leur place dans un jardin des prairies au Manitoba. Ces mélanges de semences non indigènes contiennent souvent des espèces qui pourraient déloger agressivement des plantes indigènes plus désirables. N’avons-nous pas vu un mélange populaire mis en boîte contenant des graines de salicaire pourpre!! La plupart des compagnies se fichent éperdument de la provenance de leurs semences et de leur matériel végétal. Leur seul mobile est de faire une vente. Si vous êtes vraiment concerné et voulez changer quelque chose, utilisez uniquement des semences et des plantes indigènes provenant du Manitoba. Demandez à votre fournisseur d’où proviennent ses semences. S’il l’ignore ou s’il s’en fiche, ou si les semences ne proviennent pas du Manitoba, allez ailleurs.
Jardiner avec des espèces indigènes du Manitoba nous fait participer à une mission environnementale très importante; celle de conserver les souches génétiques locales des prairies qui ont presque toutes été extirpées par le « progrès ». La prairie des hautes herbes du Manitoba (voir l’article Tall Grass Prairie dans notre numéro de l’été) n’existe presque plus. Moins de un pour cent de la superficie originale demeure intacte aujourd’hui à des endroits tels que le Musée-nature de la Prairie, Tolstoi et Oak Hammock. Il reste à peine 4 % de la prairie des herbes mélangées du sud-ouest du Manitoba. Dans l’espace d’une seule vie humaine, nous avons détruit presque toute la
Une mesure importante visant à assurer la conservation permanente des souches génétiques des restes épars de la végétation des prairies consiste à leur fournir de l'espace où elles peuvent croître. Ces plantes pourraient bien nous permettre de découvrir de nouveau médicaments ou de nouvelles cultures vivrières. Toutefois, si nous perdons cet antique patrimoine des prairies, nous ne saurons jamais quels précieux avantages il aurait pu nous procurer. Où serions-nous aujourd’hui si quelque ancienne société avait complètement détruit les ancêtres sauvages du blé, du maïs et du riz domestiques.
Le navet de prairie était une plante alimentaire importante des peuples autochtones. Ne pourrait-il pas constituer une nouvelle culture agricole?
Un autre motif de rétablissement des plantes indigènes est leur attrait pour la faune. Plusieurs espèces rares et menacées dépendent des plantes indigènes. Elles fournissent un habitat supplémentaire à de nombreuses espèces de papillons, d’oiseaux chanteurs, d’oiseaux de rivage, d’oiseaux aquatiques et de mammifères.
L’asclépiade indigène est le seul aliment qui convient à la chenille du monarque au Manitoba.
Au cours de la dernière décennie, la population de monarques n’a cessé de diminuer à cause de la disparition de son habitat de reproduction et d’hivernage. La seule plante sur laquelle il pond ses œufs est l’asclépiade indigène qui, par coïncidence, produit l’une des plus belles fleurs indigènes qui soit. D’autres plantes indigènes, telles que le liatride des Rocheuses, sont une importante source de nectar pour les monarques. Le tournesol indigène attire irrésistiblement le chardonneret élégant. Cet estivant aux vives couleurs raffole des graines de haute qualité du tournesol à feuilles étroites et du beau et rugueux héliopsis faux-hélianthe.
Les espèces indigènes ont l’avantage d’avoir pu s’adapter pendant des milliers d’années aux conditions de vie au Manitoba – sol, eau, climat et intensité lumineuse. Grâce au processus bien connu de la sélection naturelle, elles ont élaboré une variété de mécanismes pour faire face à toutes les difficultés que la nature pouvait leur susciter. C’est pourquoi la sécheresse, les écarts extrêmes de température, la courte durée des saisons de croissance et les gels hâtifs et tardifs produisent peu d’effets sur les espèces indigènes parce qu’elles ont évolué simultanément.
La plupart des espèces de plantes utilisées actuellement au Manitoba pour l’aménagement paysager et l’habitat de la faune sont des variétés horticoles et agricoles indigènes à l’Europe et à l’Asie. Peu d’entre elles ont pu s’adapter naturellement aux conditions de vie au Manitoba. Bon nombre d’entre elles ne survivent qu’au prix de beaucoup d’entretien et d’une replantation fréquente.
Une culture typique de plantes annuelles nécessite beaucoup d’effort, d’eau, d’engrais, de pesticides, etc.
En revanche, nos espèces indigènes exigent des conditions ambiantes extrêmes qui détruiraient certaines plantes non indigènes. Elles poussent là où d’autres ne le peuvent. Au lieu de nécessiter un apport coûteux de temps, de travail, de pesticides et d'engrais, les espèces indigènes, une fois bien enracinées, semblent préférer qu’on les néglige. Elles conviennent donc parfaitement aux habitats de la faune, à l’aménagement paysager à entretien minime, à la remise en état des aires naturelles perturbées et comme cultures de remplacement, robustes et attrayantes, des grandes étendues de pelouses en pâturin des prés impeccables et biologiquement stériles.
Un jardin de plantes indigènes des prairies peut très bien rehausser un cadre urbain.
N’oublions surtout pas l’incontestable émotion qu’on ressent à planter quelque chose qui nous rattache à notre histoire naturelle et culturelle. Ces espèces étaient importantes à l’écologie des diverses prairies qui recouvraient jadis le sud du Manitoba. Elles ont fourni la nourriture à d’innombrables bisons et ont ondoyé sous la lumière du soleil pendant des dizaines de milliers d’étés. Elles ont nourri les peuples autochtones et joué un rôle important dans la préparation de leurs médicaments et dans leurs croyances religieuses. Les premiers colonisateurs s’en sont servis comme nourriture et comme matière première. La culture des plantes indigènes des prairies ne nous aide pas seulement à enfoncer des racines dans le sol, mais également à nous replonger dans notre passé.
La culture de plantes des prairies à « La Fourche » rehausse l’ambiance de cet important site historique et culturel à Winnipeg.
À cause de leurs racines profondes et de leur nature vivace, les plantes indigènes des prairies aident à la conservation du sol. Les espèces indigènes peuvent pousser dans une grande variété de sols et s’y adapter. Il existe des plantes indigènes des prairies pour toutes sorte de sols : secs, humides, salins, lourds et légers. Les espèces indigènes ont élaboré et conservé le sol fertile des prairies pendant des millénaires et l’on s’attend à ce qu’elles jouent de nouveau un rôle important.
Les espèces indigènes offrent aux architectes paysagistes et aux organismes privés et gouvernementaux une excellente solution de rechange aux aménagements paysagers traditionnels et d’entretien coûteux pour les places publiques, les zones industrielles, les parcs et les emprises des routes. À l’époque actuelle des budgets en régression, les plantes indigènes se justifient plus facilement auprès des clients et des contribuables soucieux des coûts. Elles contribuent également à créer la perception d’une conscience et d’une sensibilité environnementales qu’exigent le marché et la société écologiques d’aujourd’hui. Un autre avantage pour ces organismes est l’agrandissement de l’habitat de la faune que le public peut visiter.
Du point de vue esthétique, les fleurs des champs et les herbes indigènes offrent au moins autant de couleur et d’attrait que les aménagements paysagers traditionnels. Depuis le début du printemps et, en passant par les gels de septembre, jusqu’à l’hiver, les espèces indigènes des prairies ne cessent de tapisser le sol de formes, de couleurs et de textures changeantes. En commençant par le violet duveteux du crocus des prairies qui se montre la tête à travers les congères d’avril, en passant par le vert jade luxuriant des herbes et des anémones des neiges de la mi-juin, l’éclatant liatride des Rocheuses pendant l’été, le gracieux jaillissement des brillantes verges d’or et des asters violets, jusqu’au subtil brun doré des jardins d’hiver des prairies, les plantes indigènes présentent un spectacle naturel d’une beauté inégalable dans notre paysage manitobain.
Les gaillardes en plein jardin.
La culture de plantes des prairies entraîne également des retombées économiques favorables. Les coûts de mise en terre sont tout à fait comparables aux méthodes traditionnelles. Les coûts d’entretien à long terme des plantes des prairies sont presque inexistants puisque les plantes indigènes vivaces prennent soin d’elles-mêmes. Il suffit, à l’occasion, d’élaguer le vieux peuplement et de veiller à ce que les mauvaises herbes non indigènes ne se glissent parmi les plantes. Fini le cycle dispendieux et préjudiciable à l’environnement de l’arrosage, de la tonte des gazons et de l’épandage des engrais.
Si la conservation vous tient à cœur et si vous voulez attirer la faune dans votre cour, vous réussirez à merveille en utilisant des plantes indigènes du Manitoba. Non seulement obtiendrez-vous un paysage splendide, mais vous aurez contribué à assurer la survie de plantes qui deviennent de plus en plus rares.
John Morgan est le propriétaire de Prairie Habitats, le plus grand producteur et fournisseur manitobain de plantes et de semences indigènes des prairies. En collaboration avec Argyle Machine Inc., il fabrique et vend du matériel spécialisé pour la récolte des semences indigènes partout en Amérique du Nord et même aussi loin qu’en Australie. John est un champion inlassable des plantes indigènes au Manitoba.
MORGAN, John P. Gardening with Native Manitoba Plants: For Conservation & Backyard Wildlife dans Nature North Magazine (www.naturenorth.com), Avril 1999.